mercredi 26 novembre 2008

Overload!

Je ne sais pas si vous vous sentez souvent submergés par l'information, incapables d'en maîtriser le flot. Moi si. Il y a eu l'information continue à la télévision, puis l'internet. Fils RSS, alertes, manchettes, manchettes actualisées,vous n'en avez pas marre?

Sous le titre Overload (How journalism can save us all from too much information), le numéro de novembre-décembre de la Columbia Journalism Review propose un dossier élaboré sur le déluge de l'information et la lassitude qui en découle. Tout journaliste et plus encore tout patron de presse doit au moins lire l'article principal qui couvre sept pages du magazine, que l'on trouve aussi sur Internet à l'adresse www.cjr.org.

L'auteur, un journaliste, Bree Nordenson, explique brillamment comment l'information présentée sans contexte est inutile, parfois nuisible. "The most valuable journalism is the kind that explains." C'est aussi, aspect non négligeable, le type de journalisme pour lequel le public serait disposé à payer. L'auteur situe son enquête dans le contexte de l'économie de l'attention, une idée qui n'est pas nouvelle, et selon laquelle nous avons peu de temps pour nous informer et ne voulons surtout pas gaspiller ces moments précieux. Le journalisme doit être "efficace". Nordenson parle d'un magazine, The Week (dont le tirage serait en hausse constante depuis quelques années), dont l'objectif est de permettre au lecteur de bénéficier en une heure de lecture des dizaines d'heures que l'équipe rédactionnelle aura consacrées à comprendre et à synthétiser les événements importants de la semaine écoulée.

De nombreuses enquêtes et de nombreux auteurs à l'appui, Nordenson convainc aisément son lecteur que l'avenir réside non pas dans l'ajout de clinquant à l'offre d'information (des blogs aux vidéos et autres "sound bites" en passant pas les "chats" avec les journalistes), mais dans des efforts consacrés à la mise en perspective et à l'explication de l'information. Il cite un ouvrage intitulé The Paradox of Choice: Why More is Less, dont l'auteur, Barry Schwartz, écrit: "Freedom of choice eventually becomes a tyranny of choice".La masse d'informations devient un lourd fardeau.

Donner un sens à l'information.Je sais que je reviens souvent sur ce thème.C'est aussi la thèse du professeur Philip Meyer dont j'ai parlé récemment. J'ai déjà cité mon ami Louis Martin qui disait il y a une quinzaine d'années que le journaliste, ce devait être le standardiste qui branchait les fils sur les bons circuits.Celui qui sait faire les liens entre les morceaux disparates d'une information fragmentée.C'est la planche de salut du journalisme de qualité.

Hors-sujet (pour les résidents de la ville de Québec!). Aimez-vous le sport?J'aime le baseball.Je l'avoue,je ne me suis pas remis du départ des Expos.Le football?Peu.Mais je sais que le Rouge et Or de mon université a remporté la coupe Vanier.Qui ne le saurait pas.Mais là aussi,trop, c'est trop. Dimanche dernier, Le Soleil a consacré 13 pages au Rouge et Or. Le soir, les trois remières nouvelles du téléjournal régional de Radio-Canada étaient consacrées aux sports.Rouge et Or, Alouettes et coupe Grey,retrait du chandail de Patrick Roy.Bien sûr,je le sais,il faut respecter le droit du public à l'information.Sauvageau,élitiste!

mardi 18 novembre 2008

La difficile transition

Les médias d'information traditionnels cherchent, chacun à sa façon, à trouver leur niche sur le web. Deux questions se posent partout, comme l'expliquait bien Paul Cauchon dans Le Devoir d'hier (17 novembre). Quel contenu faut-il proposer et comment doit-on organiser le travail?

La solution retenue varie évidemment d'une entreprise à l'autre, comme nous l'avons constaté en visitant quelques rédactions la semaine dernière dans le cadre de la préparation de notre documentaire sur le journalisme à l'ère d'internet. Les affaires, un hebdomadaire, a choisi de couvrir l'actualité financière quotidienne sur le web avec une équipe différente de celle qui continuera à approfondir les sujets pour la publication papier.Le magazine L'actualité n'offre pour sa part pas de nouvelles sur le web et a choisi de mettre l'accent sur les blogs. Quebecor alimente son portail Canoë avec les contenus de ses divers réseaux et publications.

Au Globe & Mail, on décidait récemment d'intégrer les salles de nouvelles web et papier qui formaient deux entités distinctes. En recevant une affectation, le journaliste saura ce qu'on attend de lui pour l'Internet et ce qu'il doit faire pour le journal du lendemain. Là comme ailleurs, le tâtonnement est évident. "It's going to take a little bit of time for all of us to get our heads around how this is actually going to operate, "a dit un cadre du journal.(J-Source.ca consulté le 11 novembre).

Le plus souvent, les journalistes web sont des rédacteurs sédentaires qui se contentent de ressasser les nouvelles des autres et de reprendre les dépêches d'agences. Sur la Toile, le nombre de "médias" s'est accru de façon étonnante au cours des dernières années donnant l'impression d'une grande diversité. Les propriétaires de grands groupes ont d'ailleurs utilisé cet argument pour écarter les craintes de ceux qui dénonçaient la concentration de la propriété. C'est sans doute vrai pour les commentaires et opinions de tous ordres. Mais dans le cas des nouvelles, cette apparence de diversité n'est qu'une illusion.Les mêmes nouvelles sont recyclées d'un média à l'autre.C'est aussi ce qui fait qu'elles n'ont plus de valeur? Qui va payer pour ce qu'on trouve partout, le plus souvent gratuitement.

La question qui se pose tant aux anciens qu'aux nouveaux médias est la suivante.Comment donner de la valeur à l'information? Comment en faire un "produit" que l'on ait envie d'acheter? Je vous propose de nous retrouver pour la suite au prochain congrès de la FPJQ, à l'atelier "Les nouvelles, une espèce en danger". Nous y discuterons de l'avenir des nouvelles en compagnie du professeur Philip Meyer, auteur du livre "The Vanishing Newspaper," et de Pierre Delagrave, du groupe Cossette.

mardi 11 novembre 2008

La bataille des anciens et des modernes

La télévision reste de façon quasi outrancière la source d'information principale des Québécois. La radio ne perd pas tant de plumes que certains l'affirment et l'internet n'a plus rien de l'outil marginal d'information qu'il était encore il n'y a pas si longtemps.

Quelques résultats d'un sondage que le professeur Pierre Noreau, de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, et moi avons mené au cours des dernières semaines confirment quelques-uns des traits qu'ont identifiés d'autres enquêtes au sujet des habitudes d'information des citoyens. (L'essentiel de l'enquête préparée dans le cadre d'une présentation que nous avons faite vendredi dernier, lors d'un congrès qui réunissait plusieurs centaines de juges du Québec et du reste du Canada, porte sur l'image publique des juges).

84% des répondants (1056) disent consulter assez souvent la télévision pour s'informer, 60% la radio et 45% l'internet.La télévision reste populaire chez les répondants de tous les groupes d'âge (davantage chez les 55 ans et plus). 67% des personnes interrogées répondent "oui" à l'énoncé:Je préfère m'informer à la télévision plutôt que dans les journaux. La différence selon l'âge est au contraire marquée pour la fréquentation de la Toile. 61% des 18-34 ans disent consulter assez souvent l'internet pour s'informer alors que 55% des 55 ans et plus ne le font jamais.

La progression de l'internet comme outil d'information des citoyens ne fait plus de doute. Outre le courrier électronique, de loin l'activité la plus largement pratiquée en ligne, la recherche de nouvelles et d'information "ne cesse de constituer l'utilisation la plus fréquente de l'internet", constatent les auteurs du deuxième rapport d'une série d'enquêtes pan-canadiennes amorcée en 2004 et dont l'objectif est de traquer l'évolution dans le temps de l'internet et des autres technologies nouvelles et d'évaluer les conséquences de leur utilisation sur les médias traditionnels (www.ciponline.ca).

79% des internautes qui ont participé à l'enquête de 2007 de Recherche Internet Canada disent fréquenter régulièrement le Web afin d'y consulter les nouvelles. Les sites de nouvelles les plus fréquentés par les internautes francophones sont Radio-Canada (25%),Canoë (25%) et Cyberpresse (13%).

Il est intéressant de noter que les auteurs constatent comme nous que les médias traditionnels tiennent le coup. Ils écrivent:"Les activités en ligne semblent en grande partie compléter plutôt que remplacer l'utilisation des médias traditionnels." N'annonçons pas trop vite leur mort imminente.

lundi 3 novembre 2008

Tentation corporatiste?

Les journalistes deviendraient-ils corporatistes? La décision du Parti conservateur d'accréditer quelques blogueurs, aux côtés des journalistes, lors de sa prochaine convention en a irrité certains. Je ne comprends pas très bien pourquoi.Le voisinage des uns et des autres,ai-je lu, ouvrirait la porte à une "inquiétante confusion" dans une professsion où il y en a déjà trop.Le public me semble bien capable de faire les distinctions requises.Il sait bien que le blogueur-journaliste à l'emploi d'un quotidien n'a rien à voir avec le blogueur-sympathisant tory ou libéral.
La décision des Conservateurs va dans le sens de ce qui se fait depuis 2004 aux USA, alors que Républicains et Démocrates ont commencé à accréditer des blogueurs lors de leurs conventions.Les critères retenus par les Conservateurs (l'attrait et l'influence du blog,l'originalité du contenu,l'espace disponible, etc.) s'apparentent à ceux qui avaient été utilisés par les Démocrates, les premiers à admettre des blogueurs.
Les blogueurs ne sont pas tous journalistes au sens où nous l'entendons le plus souvent aujourd'hui,bien au contraire,mais je ne vois pas très bien en vertu de quel principe on leur refuserait pour autant de "couvrir" la convention d'un parti politique.En revanche,il sera intéressant de voir comment certains tireront leur épingle du jeu. Bien des blogueurs, souvent prompts à pontifier, loin des événements et en s'appuyant sur le travail de reporters "professionnels", verront que faire du terrain n'est pas si simple qu'ils donnent parfois l'impression de le penser.

Il arrive aussi à mes amis journalistes d'avoir la peau sensible. L'insistance de la Tribune de la presse, à Québec, pour obtenir des excuses "publiques" de la ministre Michelle Courchesne qui a enguirlandé une journaliste il y a plusieurs semaines, m'agace tout autant que l'attitude manifestée dans le dossier précédent.Je ne sais pas ce que la ministre a dit à la journaliste qui pourrait constituer une "tentative d'intimidation" telle qu'on ne pourrait la tolérer " dans une société démocratique qui croit en la liberté de la presse". Cela doit être bien grave! Ce n'est pas la première fois,dans ce grand collège où se côtoient ministres,députés et journalistes, qu'un reporter se fait enguirlander par un ministre, ni la dernière. Pour une fois qu'un ministre n'a pas eu la langue de bois. Mais la vilaine, qui a poussé l'outrecuidance jusqu'à se montrer "condescendante envers l'ensemble des journalistes", avait oublié que ces derniers manifestent le plus souvent un bel esprit de corps.

Pour conclure,un mot positif envers les journalistes en répondant à la question d'un internaute.Le journaliste est-il,comme on l'entend souvent, soumis aux diktats de l'entreprise de presse qui l'emploie? Ce serait faire injure aux journalistes de les imaginer aux ordres. En revanche, il est certain que plus leur statut est précaire,comme je l'ai écrit dans un texte précédent, plus il est possible de les mettre à sa main.D'où l'importance,dans les grands médias, des règles de conduite professionnelle, dont les conventions collectives négociées au fil des ans par les syndicats garantissent le respect.Il ne faut pas non plus être naifs.Une entreprise de presse ne confierait pas la direction de sa salle de rédaction ou de sa page éditoriale à quelqu'un qui ne partagerait pas au moins certaines idées avec les propriétaires.Et cela ne devrait étonner personne. Tout est affaire d'équilibre. La vigilance du public est aussi d'une certaine manière garante de l'indépendance des journaliste dans les sociétés démocratiques.Les directions de médias savent bien qu'elles ne peuvent chercher à contrôler le travail d'information des journalistes sans provoquer une tempête qui ne pourrait que leur être préjudiciable.

Je vous invite enfin à lire le texte que la journaliste Sophie Cousineau a laissé vendredi sur son blogue de Cyberpresse. Elle conclut en posant la question suivante: Sur quels supports et avec quels moyens les journalistes travailleront-ils demain? Cela rejoint le thème du documentaire que Jacques Godbout et moi préparons et auquel ce blogue est aussi en principe consacré.J'y reviens bientôt.