samedi 20 décembre 2008

Si les médias traditionnels se ratatinaient?

Notre ami Benoît Michaud s'est demandé ce qui pourrait se passer si de plus en plus de citoyens abandonnaient les médias traditionnels pour s'informer sur Internet.Il a mené sa petite enquête auprès de journalistes du web et des "vieux" médias. Comment perçoivent-ils les différences dans le travail des uns et des autres? Les résultats de sa consultation suivent.Il m'attribue au départ un pouvoir de devin que je n'ai pas.Il est rare que ce qui se passe chez nos voisins américains n'ait pas de conséquences ici.


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Les journaux canadiens ont commencé à souffrir. Monsieur Sauvageau l’avait prédit dans son plus récent billet, dès la veille de l’annonce des compressions chez Sun Media / Quebecor. D’autres mauvaises nouvelles ont suivi, notamment à La Presse.

Est-ce davantage imputable à la crise financière ou à la montée en puissance des médias gratuits dont ceux d’Internet, qui semblent gratuits pour autant qu’on défraie notre connexion ?

Et si Internet déclassait les médias traditionnels, aurait-on encore droit aux mêmes services journalistiques?

Les journalistes-rédacteurs web sont-ils capables de reprendre le flambeau des journalistes traditionnels appelés à réorienter leur carrière? Y perdrons-nous au change?

Pour y voir plus clair, j’ai mené une petite enquête pour laquelle cinq journalistes du web et autant de journalistes traditionnels m’ont exposé leur vision de ces deux mondes, il y a tout juste quelques semaines.

J’avais alors approché des artisans de SRC-RDI, TVA-LCN-Canoe-Le Journal de Montréal, La Presse-Cyberpresse… des entreprises au sein desquelles ces deux types de journalisme se côtoient.

Et pour ne pas mélanger des oranges et des pommes, nous cherchions à décrire le « rédacteur typique », puisque son métier est pratiqué autant chez les « trad » que chez les « néo ».

RÉSULTATS

Sans aucune prétention scientifique, voici donc comment ces deux « classes » de journalistes se perçoivent mutuellement.

Le rédacteur web « moyen » a près de 30 ans, soit une dizaine d’années de moins que le rédacteur traditionnel. L’artisan des nouveaux médias est donc moins expérimenté : selon les artisans consultés, il aurait environ la moitié de l’ancienneté de son vis-à-vis de l’autre école.

Les surnuméraires et les contractuels seraient très légèrement plus nombreux au web, mais la durée de la journée de travail s’équivaut dans les deux camps.

Le rédacteur web travaille souvent à partir de textes déjà produits par d’autres sources et il fait trois fois plus de mises à jour.

Le rédacteur traditionnel logera près de quatre appels (ou courriels) par jour pour vérifier une information, tandis que celui du web en fera un seul, ou même moins.

Presque toutes les exclusivités des douze derniers mois auraient émané du secteur traditionnel, laissant au web quelques rares primeurs.

Quand on considère l’ensemble des journalistes (et non seulement les rédacteurs), on estime que les scribes de l’ère 2.0 sont très peu nombreux à se rendre sur le terrain, sur les lieux d’un événement à couvrir.

Enfin, l’un des travailleurs interrogés croit que la formation exigée d’un rédacteur web pourrait être de niveau collégial plutôt qu’universitaire.

Bref, on constate que le clivage est bien réel dans nos salles de nouvelles. Les adeptes du journalisme classique ont davantage le temps d’explorer, de pratiquer un journalisme plus fouillé. Leurs camarades du web doivent trop souvent se contenter de jouer un rôle d’étalagiste de l’information, confinés à un perpétuel exercice de réécriture.

Ce n’est rien pour rassurer une clientèle qui, en plus de devoir éventuellement délaisser sa « gazette » au profit d’un écran cathodique, ne bénéficiera pas des mêmes standards de qualité.

Car la plupart des journalistes consultés observent qu’il y a actuellement deux classes de journalistes : « Ils n'ont pas les mêmes conditions de travail, ils ne sont pas embauchés en fonction des mêmes critères. Et si l'esprit du travail reste le même, leur quotidien est très différent. »

L’un des artisans interrogés avance que « la nature de leur médium fait des journalistes web une sorte "d'intrus" dans une entreprise de radio-télédiffusion comme Radio-Canada. Alors que dans une salle de rédaction d'un journal, j'imagine qu'ils se confondent mieux avec les autres journalistes. »

Plusieurs croient que la migration des médias traditionnels vers le web devrait harmoniser ces écarts. « Le web est en train de changer la façon de faire du journalisme. En ce sens, les journalistes web ont probablement une longueur d'avance sur leurs collègues radio-télé, pour peu qu'ils réalisent l'importance de se servir de l'audio et de la vidéo pour appuyer leurs contenus écrits. Tôt ou tard, les journalistes dits "traditionnels" n'auront plus le choix d'adapter leur travail, leur cueillette et leur rendu en fonction d'une diffusion dans l'univers numérique (web, téléphones et al.). Ceux qui résisteront, seront plus ou moins condamnés à "disparaître"... »

Assisterons-nous à une consolidation des deux formes de journalisme? Pour l’un de nos répondants, c’est indéniable : « Partout aux États-Unis et ailleurs, on remarque ce fait. Le web et le traditionnel sont un seul et même journalisme », plus complet et plus diversifié.

Cet avis n’est cependant pas partagé par toute la confrérie, comme en fait foi un autre commentaire selon lequel « il y aura toujours deux classes de journalistes: ceux qui font de la recherche de première main et de la rédaction, et ceux qui font de la réécriture et mettent en ligne des textes provenant de source extérieures. »

Qu’en pensez-vous, chers internautes? La prise de contrôle du web par de solides journalistes parfois issus du papier sera-t-elle assez rapide et efficace pour faire oublier la déconfiture de l’imprimé? Serons-nous aussi bien servis? Ou mieux encore?

Benoît Michaud

(collaborateur à la recherche pour le documentaire auquel ce blogue est associé)

PS – Quant à la typologie des journalistes du web, merci aux blogueurs Olivier Niquet et Pascal "Renart" Léveillé pour leurs observations.

lundi 15 décembre 2008

La crise des journaux

Aux États-Unis, les quotidiens viennent de connaître une semaine de misère. C'est la décision du groupe Tribune (qui publie des titres importants dont le Chicago Tribune, le Los Angeles Times ou le Baltimore Sun) de chercher la protection de la loi de faillite qui a retenu l'attention, mais il y a plus. Toute l'industrie est frappée. Des groupes de presse qui ont payé beaucoup trop cher certains journaux achetés en 2006 et 2007 se retrouvent aujourd'hui endettés, avec des actifs dont la valeur boursière s'est effondrée. La récession et la diminution importante des revenus publicitaires qui l'accompagne transforment en chute brutale le lent déclin des quotidiens amorcé depuis des années et accentué par la tendance à la spécialisation des contenus et la montée d'internet. Les médias généralistes, qui offrent de tout pour tous, n'ont plus la cote.

La lecture du compte rendu (voir le New York Times de mardi 9 décembre:"Advertising. Next Year Is Looking Even Worse) d'une conférence sur les tendances en publicité, tenue à New York en début de semaine, a sans doute ajouté aux sueurs froides des patrons de presse. Les analystes prévoient une annnée 2009 horrible, la pire de l'histoire de l'industrie, selon l'un d'entre eux. Le journaliste du Times n'a pu s'empêcher d'évoquer la grande dépression et le cauchemar des années 1930. Tous les médias souffriront de la récession, mais les analystes sont unanimes à prévoir que les journaux seront les plus touchés. Des journalistes sont mis à pied, des postes de correspondants retranchés, des journaux annulent leur abonnement à l'agence Associated Press, qui annonce à son tour des coupures, bref c'est l'ensemble du système d'information qui écope.

Nous n'échapperons pas au vent qui vient du sud. La structure financière de nos journaux est semblable à celle des quotidiens américains. Plus ou moins 80% des revenus proviennent de la publicité. Si elle chute de façon importante au cours des mois qui viennent, ce qui semble prévisible, quelles seront les conséquences pour l'information, et partant pour la vie démocratique? La tentation sera grande, comme on le fait aux États-Unis, de réduire l'effectif journalistique ou de laisser tomber des pans de la couverture. On a déjà annoncé des coupures de postes importantes au Canada anglais, chez CanWest Global et à CTV. Qui assurera la collecte des nouvelles, si les médias généralistes, les quotidiens payants en particulier qui en sont les principaux pourvoyeurs, renoncent à le faire de façon adéquate? Certainement pas les sites Internet. Ils n'en ont pas les moyens.Ainsi, les menus de nouvelles de Canoë ou de Cyberpresse seraient plutôt minces, s'ils ne s'appuyaient sur les médias traditionnels auxquels ils sont associés.

L'un des participants à la conférence de New York a fort heureusement remis quelques pendules à l'heure. Les journaux américains ne sont pas tous dans la dèche. Ils devront cependant vivre un "choc culturel", oublier les taux de rentabilité gigantesques du passé, qui pouvaient atteindre 30%, et s'habituer, "forever", à des profits de l'ordre de 10%. Ce qui n'est tout de même pas l'Apocalypse et ne pourrait justifier des hémorragies démesurées. La situation financière des quotidiens québécois reste un secret bien gardé. Statistiques Canada fournit des données pour l'ensemble de la presse écrite, quotidiens et hebdomadaires confondus (bénéfices avant impôts de 13,5% en 2006). Chez Quebecor, le rapport annuel contient aussi de l'information pour l'ensemble des journaux (quotidiens payants, gratuits et hebdos confondus). Chez Gesca, la divulgation des données sur la situation financière des quotidiens fait l'objet d'un litige que les tribunaux devront trancher. Les journaux ne sont poutant pas des entreprises comme les autres. Ils exercent une mission de service public, un "public trust", comme on dit en anglais.Cela n'impose-t-il pas une certaine transparence?

jeudi 4 décembre 2008

QUI SONT LES CYBER-JOURNALISTES?


À la veille du Congrès de la Fédération professionnelle des journalistes, consacré pour bonne part à l'adaptation que le web impose au journalisme, je vous invite à lire les réflexions qu'inspire à Benoît Michaud sa fréquentation soutenue et attentive de l'internet. Benoît est journaliste-recherchiste et formateur en recherche internet, et sa collaboration à la recherche a été fort appréciée lors de la préparation du documentaire auquel ce blogue est associé.



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Une quinzaine d’années ont passé depuis que j’ai usé les bancs de l’université où l’auteur de ce blogue me faisait réfléchir au métier de journaliste et à ce que j’en ferais. Alors que Florian Sauvageau partageait ses idéaux comme fidèle lecteur des journaux imprimés, j’allais « sombrer » dans la techno en devenant le loyal abonné d’un fournisseur Internet, dès 1994.

Même en passant des nuits blanches à m’initier passionnément à cette nouveauté, j’étais loin de me douter qu’Internet deviendrait ma principale source d’information, devant les médias traditionnels.

Ainsi, depuis quelques années, je consomme surtout la version web des oeuvres journalistiques qui, avouons-le, émanent très souvent de la presse écrite ou électronique traditionnelle.
Néanmoins, Internet transforme le journalisme de plusieurs façons. Le blogueur-vedette, mouton noir des tenants d’un journalisme plus classique, ne serait-il pas qu’un petit échantillon de ces journalistes de la toile? Le plus coloré, peut-être!

Pour dresser un portrait du cyber-journalisme en 2008, il suffit de s’arrêter à la provenance des informations factuelles ou commentées qui retiennent notre attention sur le web. Quel type de journaliste se cache derrière chacun des textes consultés?

Je me suis adonné à cet exercice sans aucune prétention scientifique… Je crois me situer dans la moyenne des « internautes avides d’information ».

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TYPOLOGIE DES JOURNALISTES QUI ABREUVENT INTERNET…

1) Le journaliste traditionnel copié-collé

Il livre sa marchandise pour le média traditionnel d’abord, même si Internet s’en servira.

Je le lis à travers les textes des journaux du matin repris par Canoe ou Cyberpresse. Je le retrouve aussi dans les textes d’agences de presse d’ici et d’ailleurs (en considérant les agences comme des sources traditionnelles).

En 2008, j’estime que ces bons vieux artisans se trouvent derrière 35% de l’information journalistique que je consomme sur Internet, les salles de rédaction traditionnelles étant plus peuplées que les nouvelles sections destinées aux petites équipes du web. Ils seront de moins en moins épargnés par la tendance des patrons à vouloir publier la nouvelle de plus en plus vite.

Depuis peu, cette compétition s’est installée entre les sites web des entreprises de presse qui, jusqu’à récemment, ne comparaient que leur journal du lendemain ou leurs grands bulletins à heure fixe.

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2) Le journaliste-rédacteur web

Plusieurs demeurent isolés du reste de la salle de rédaction, occupés à reformater inlassablement des textes et/ou à repiquer des segments audio et vidéo.

Ce sont ceux et celles dont Cyberpresse, Radio-Canada et LCN affichent rarement le nom.

Ils sont les auteurs de 30% de ma consommation de cyber-information. Ces journalistes de l’ombre devraient graduellement s’impliquer dans des tâches jusqu’à maintenant remplies par les « traditionnels » : maximiser l’usage du téléphone, se rendre sur le terrain, se consacrer à des enquêtes, etc.

Lorsqu’ils seront parfaitement fusionnés avec la première catégorie, ils représenteront environ 50% des cyber-journalistes dont je consulte les textes. Déjà, des salles traditionnelles et web se fusionnent, comme on l’a vu à La Presse / Cyberpresse. Chez Gesca, ce n’est que depuis cet automne que les exclusivités ne sont plus réservées au papier du lendemain matin.

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3) Le blogueur-vedette

C’est l’équivalent du columnist. Celui et celle dont les coups de gueule attirent l’attention et font réagir. Généralement associé à un grand média, il est plus influent que veulent bien le montrer certains palmarès de blogueurs qui ne tiennent compte que du nombre de liens entrants. Car ces blogueurs de premier rang sont moins enclins à diriger leurs lecteurs vers des références complémentaires sur le web, se privant ainsi des retours d’ascenseur.

Michel C. Auger et Chantal Hébert sont du nombre. Récemment, le légendaire Patrick Lagacé clavardait en direct avec sa camarade Michèle Ouimet pour réagir au débat des chefs québécois sur Cyberpresse, au fil des minutes d’empoigne entre les trois opposants.

Ces blogueurs sont derrière 20% de mes lectures en ligne. Leur importance est grandissante mais ils ne dépasseront probablement jamais les columnists et les chroniqueurs du papier. Même si Wired anticipe que la mode des blogues tire à sa fin, je prédis que les blogueurs-vedettes seront à l’origine de 25% des textes que je lirai sur le web en 2020. Un texte sur quatre viendra d’un Lagacé de ce monde.

À Radio-Canada, on les appelle les carnettiers et ils affichent une certaine retenue en raison des politiques journalistiques du diffuseur, favorisant l’impartialité.

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4) Le petit blogueur indépendant

Il s’agite strictement pour le web, souvent dans une niche trop spécialisée pour un journal papier. Ce journaliste adopte généralement la formule du blogue. Faute d’encadrement et de soutien, sa production peut manquer de constance et de moyens.

Ces carnets forment ce qu’on appelle « la longue traîne » des blogues de petite envergure qui marquent des points en s’adressant à une clientèle pointue.

Patrick White et Jean-Pierre Cloutier occupent cette catégorie. Malgré qu’ils soient seuls dans leur bulle virtuelle, ils sont respectés d’un lectorat qui traverse les frontières.

Ces Gaulois retiennent 10% de mon attention mais pourraient sûrement grimper à 20% dans une dizaine d’années, grâce à un engouement semblable à celui que créent les canaux spécialisés, les magazines spécialisés, etc. Les médias de niche. De plus, les probables mises à pied dans les grands médias inciteront quelques scribes à rebâtir leur univers et à se consacrer à un domaine spécifique…

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5) Le prolétaire multiplateforme

Rarement syndiqué, il peut travailler de très longues heures pour faire sa place au soleil, souvent en manipulant plusieurs instruments à la fois, du clavier à la caméra en passant par le micro. Souvent condamné à la réécriture des nouvelles, il fait partie de ceux qui alimentent les journaux gratuits.

Pour un jeune finissant en communication, c’est une belle école qui lui permet de se faire connaître plus largement que s’il était confiné à un média étudiant « d’autrefois » dont l’audience est plus restreinte. Le public devra cependant se montrer indulgent devant la qualité parfois réduite d’un reportage vidéo tourné sans encadrement, par exemple.

Les jeunes recrues du journal 24 Heures (web et papier) ainsi que les quelques artisans de Matinternet (Branchez-vous) font partie de cette tendance.

J’estime que 5% de ma cyber-consommation d’information repose entre leurs mains.

Ce chiffre devrait se maintenir dans les prochaines années car, malgré le succès de 24 Heures, d’autres organes comme Matinternet et Showbizz.net connaissent une période difficile depuis leur acquisition par Branchez-Vous.

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6) Le journaliste citoyen

Il s’improvise journaliste pour alimenter un blogue souvent partisan ou un site collaboratif comme CentPapiers… Il va rarement sur le terrain et ne tire généralement pas de revenu de ce hobby qui s’apparente parfois à l’action d’un pamphlétaire.

Les plus sérieux pourront éventuellement se hisser au rang de « blogueur indépendant » (ci-dessus). D’autres recevront un traitement royal des partis politiques en obtenant l’accréditation pour se mêler aux « vrais » journalistes dans la couverture de grands rassemblements et de campagnes électorales. Sont-ils ainsi récompensés pour leur allégeance avouée et leur propagande efficace?

Ce journalisme (ou pseudo-journalisme?), parfois pratiqué sans aucun souci d’objectivité et de respect des règles déontologiques, représente une fraction infime de mes lectures. La possibilité que s’y glissent des « spin doctors », des relationnistes et de sombres fumistes devrait continuer de me garder à distance de ces écrits.

Par contre, je vois en Wikipedia une réussite issue de la collégialité entre les internautes. Il m’arrive parfois même de cibler Wikipedia pour trouver une réponse. Toutefois, si c’est une nouvelle source prometteuse pour les journalistes (à utiliser avec prudence), ce n’est pas un produit journalistique en soi.

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Mes habitudes de lecture sur Internet sont-elles représentatives de celles de la « masse »? Est-ce que j’oublie certaines catégories de journalistes dont profite la toile? Mes prédictions pour les dix prochaines années correspondent-elles aux vôtres? Votre opinion est la bienvenue.

On remarquera que seuls les scribes #3 et #4 vivent dans la blogosphère. Le #6, journaliste citoyen, compte parmi ceux qui s’y aventurent. Ensemble, ils ne produisent que 30% des textes journalistiques que je puise sur le web… S’ils frôlent les 50% dans dix ans, ce serait une nette croissance mais l’information « hors-blogue » continuerait vraisemblablement de dominer.

Quoi qu’il en soit, on peut se demander si les détracteurs du phénomène du blogue n’accordent pas une importance démesurée au contenant plutôt qu’au contenu journalistique. Pensons-y bien : dans les faits, un blogue est une enfilade de textes journalistiques parfois très classiques, offrant souvent des références plus précises qu’un article conventionnel, grâce aux hyperliens.

Aussi, les pourfendeurs du « journalisme 2.0 » oublient-ils qu’un blogue de citoyen sans aucune prétention journalistique ne devrait même pas faire partie de cette analyse de l’évolution du métier?

Quant aux commentaires discutables des internautes, publiés tout au long de ces nouveaux canaux, il faut les prendre pour ce qu’ils sont : l’équivalent des lettres d’opinion publiées par un journal papier, mais avec moins de censure donc plus de dérapages.

Suis-je seul à penser que les journalistes blogueurs ne menacent pas les fondements de la profession et qu’ils ne seront jamais plus lus que les chroniqueurs et columnists de nos journaux papier actuels?

Enfin, dans la majorité de nos lectures à l’écran, ne continuons-nous pas d’apprécier le journalisme classique simplement transposé vers un nouveau support ?

À vous la parole!

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Benoît Michaud

mercredi 26 novembre 2008

Overload!

Je ne sais pas si vous vous sentez souvent submergés par l'information, incapables d'en maîtriser le flot. Moi si. Il y a eu l'information continue à la télévision, puis l'internet. Fils RSS, alertes, manchettes, manchettes actualisées,vous n'en avez pas marre?

Sous le titre Overload (How journalism can save us all from too much information), le numéro de novembre-décembre de la Columbia Journalism Review propose un dossier élaboré sur le déluge de l'information et la lassitude qui en découle. Tout journaliste et plus encore tout patron de presse doit au moins lire l'article principal qui couvre sept pages du magazine, que l'on trouve aussi sur Internet à l'adresse www.cjr.org.

L'auteur, un journaliste, Bree Nordenson, explique brillamment comment l'information présentée sans contexte est inutile, parfois nuisible. "The most valuable journalism is the kind that explains." C'est aussi, aspect non négligeable, le type de journalisme pour lequel le public serait disposé à payer. L'auteur situe son enquête dans le contexte de l'économie de l'attention, une idée qui n'est pas nouvelle, et selon laquelle nous avons peu de temps pour nous informer et ne voulons surtout pas gaspiller ces moments précieux. Le journalisme doit être "efficace". Nordenson parle d'un magazine, The Week (dont le tirage serait en hausse constante depuis quelques années), dont l'objectif est de permettre au lecteur de bénéficier en une heure de lecture des dizaines d'heures que l'équipe rédactionnelle aura consacrées à comprendre et à synthétiser les événements importants de la semaine écoulée.

De nombreuses enquêtes et de nombreux auteurs à l'appui, Nordenson convainc aisément son lecteur que l'avenir réside non pas dans l'ajout de clinquant à l'offre d'information (des blogs aux vidéos et autres "sound bites" en passant pas les "chats" avec les journalistes), mais dans des efforts consacrés à la mise en perspective et à l'explication de l'information. Il cite un ouvrage intitulé The Paradox of Choice: Why More is Less, dont l'auteur, Barry Schwartz, écrit: "Freedom of choice eventually becomes a tyranny of choice".La masse d'informations devient un lourd fardeau.

Donner un sens à l'information.Je sais que je reviens souvent sur ce thème.C'est aussi la thèse du professeur Philip Meyer dont j'ai parlé récemment. J'ai déjà cité mon ami Louis Martin qui disait il y a une quinzaine d'années que le journaliste, ce devait être le standardiste qui branchait les fils sur les bons circuits.Celui qui sait faire les liens entre les morceaux disparates d'une information fragmentée.C'est la planche de salut du journalisme de qualité.

Hors-sujet (pour les résidents de la ville de Québec!). Aimez-vous le sport?J'aime le baseball.Je l'avoue,je ne me suis pas remis du départ des Expos.Le football?Peu.Mais je sais que le Rouge et Or de mon université a remporté la coupe Vanier.Qui ne le saurait pas.Mais là aussi,trop, c'est trop. Dimanche dernier, Le Soleil a consacré 13 pages au Rouge et Or. Le soir, les trois remières nouvelles du téléjournal régional de Radio-Canada étaient consacrées aux sports.Rouge et Or, Alouettes et coupe Grey,retrait du chandail de Patrick Roy.Bien sûr,je le sais,il faut respecter le droit du public à l'information.Sauvageau,élitiste!

mardi 18 novembre 2008

La difficile transition

Les médias d'information traditionnels cherchent, chacun à sa façon, à trouver leur niche sur le web. Deux questions se posent partout, comme l'expliquait bien Paul Cauchon dans Le Devoir d'hier (17 novembre). Quel contenu faut-il proposer et comment doit-on organiser le travail?

La solution retenue varie évidemment d'une entreprise à l'autre, comme nous l'avons constaté en visitant quelques rédactions la semaine dernière dans le cadre de la préparation de notre documentaire sur le journalisme à l'ère d'internet. Les affaires, un hebdomadaire, a choisi de couvrir l'actualité financière quotidienne sur le web avec une équipe différente de celle qui continuera à approfondir les sujets pour la publication papier.Le magazine L'actualité n'offre pour sa part pas de nouvelles sur le web et a choisi de mettre l'accent sur les blogs. Quebecor alimente son portail Canoë avec les contenus de ses divers réseaux et publications.

Au Globe & Mail, on décidait récemment d'intégrer les salles de nouvelles web et papier qui formaient deux entités distinctes. En recevant une affectation, le journaliste saura ce qu'on attend de lui pour l'Internet et ce qu'il doit faire pour le journal du lendemain. Là comme ailleurs, le tâtonnement est évident. "It's going to take a little bit of time for all of us to get our heads around how this is actually going to operate, "a dit un cadre du journal.(J-Source.ca consulté le 11 novembre).

Le plus souvent, les journalistes web sont des rédacteurs sédentaires qui se contentent de ressasser les nouvelles des autres et de reprendre les dépêches d'agences. Sur la Toile, le nombre de "médias" s'est accru de façon étonnante au cours des dernières années donnant l'impression d'une grande diversité. Les propriétaires de grands groupes ont d'ailleurs utilisé cet argument pour écarter les craintes de ceux qui dénonçaient la concentration de la propriété. C'est sans doute vrai pour les commentaires et opinions de tous ordres. Mais dans le cas des nouvelles, cette apparence de diversité n'est qu'une illusion.Les mêmes nouvelles sont recyclées d'un média à l'autre.C'est aussi ce qui fait qu'elles n'ont plus de valeur? Qui va payer pour ce qu'on trouve partout, le plus souvent gratuitement.

La question qui se pose tant aux anciens qu'aux nouveaux médias est la suivante.Comment donner de la valeur à l'information? Comment en faire un "produit" que l'on ait envie d'acheter? Je vous propose de nous retrouver pour la suite au prochain congrès de la FPJQ, à l'atelier "Les nouvelles, une espèce en danger". Nous y discuterons de l'avenir des nouvelles en compagnie du professeur Philip Meyer, auteur du livre "The Vanishing Newspaper," et de Pierre Delagrave, du groupe Cossette.

mardi 11 novembre 2008

La bataille des anciens et des modernes

La télévision reste de façon quasi outrancière la source d'information principale des Québécois. La radio ne perd pas tant de plumes que certains l'affirment et l'internet n'a plus rien de l'outil marginal d'information qu'il était encore il n'y a pas si longtemps.

Quelques résultats d'un sondage que le professeur Pierre Noreau, de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, et moi avons mené au cours des dernières semaines confirment quelques-uns des traits qu'ont identifiés d'autres enquêtes au sujet des habitudes d'information des citoyens. (L'essentiel de l'enquête préparée dans le cadre d'une présentation que nous avons faite vendredi dernier, lors d'un congrès qui réunissait plusieurs centaines de juges du Québec et du reste du Canada, porte sur l'image publique des juges).

84% des répondants (1056) disent consulter assez souvent la télévision pour s'informer, 60% la radio et 45% l'internet.La télévision reste populaire chez les répondants de tous les groupes d'âge (davantage chez les 55 ans et plus). 67% des personnes interrogées répondent "oui" à l'énoncé:Je préfère m'informer à la télévision plutôt que dans les journaux. La différence selon l'âge est au contraire marquée pour la fréquentation de la Toile. 61% des 18-34 ans disent consulter assez souvent l'internet pour s'informer alors que 55% des 55 ans et plus ne le font jamais.

La progression de l'internet comme outil d'information des citoyens ne fait plus de doute. Outre le courrier électronique, de loin l'activité la plus largement pratiquée en ligne, la recherche de nouvelles et d'information "ne cesse de constituer l'utilisation la plus fréquente de l'internet", constatent les auteurs du deuxième rapport d'une série d'enquêtes pan-canadiennes amorcée en 2004 et dont l'objectif est de traquer l'évolution dans le temps de l'internet et des autres technologies nouvelles et d'évaluer les conséquences de leur utilisation sur les médias traditionnels (www.ciponline.ca).

79% des internautes qui ont participé à l'enquête de 2007 de Recherche Internet Canada disent fréquenter régulièrement le Web afin d'y consulter les nouvelles. Les sites de nouvelles les plus fréquentés par les internautes francophones sont Radio-Canada (25%),Canoë (25%) et Cyberpresse (13%).

Il est intéressant de noter que les auteurs constatent comme nous que les médias traditionnels tiennent le coup. Ils écrivent:"Les activités en ligne semblent en grande partie compléter plutôt que remplacer l'utilisation des médias traditionnels." N'annonçons pas trop vite leur mort imminente.

lundi 3 novembre 2008

Tentation corporatiste?

Les journalistes deviendraient-ils corporatistes? La décision du Parti conservateur d'accréditer quelques blogueurs, aux côtés des journalistes, lors de sa prochaine convention en a irrité certains. Je ne comprends pas très bien pourquoi.Le voisinage des uns et des autres,ai-je lu, ouvrirait la porte à une "inquiétante confusion" dans une professsion où il y en a déjà trop.Le public me semble bien capable de faire les distinctions requises.Il sait bien que le blogueur-journaliste à l'emploi d'un quotidien n'a rien à voir avec le blogueur-sympathisant tory ou libéral.
La décision des Conservateurs va dans le sens de ce qui se fait depuis 2004 aux USA, alors que Républicains et Démocrates ont commencé à accréditer des blogueurs lors de leurs conventions.Les critères retenus par les Conservateurs (l'attrait et l'influence du blog,l'originalité du contenu,l'espace disponible, etc.) s'apparentent à ceux qui avaient été utilisés par les Démocrates, les premiers à admettre des blogueurs.
Les blogueurs ne sont pas tous journalistes au sens où nous l'entendons le plus souvent aujourd'hui,bien au contraire,mais je ne vois pas très bien en vertu de quel principe on leur refuserait pour autant de "couvrir" la convention d'un parti politique.En revanche,il sera intéressant de voir comment certains tireront leur épingle du jeu. Bien des blogueurs, souvent prompts à pontifier, loin des événements et en s'appuyant sur le travail de reporters "professionnels", verront que faire du terrain n'est pas si simple qu'ils donnent parfois l'impression de le penser.

Il arrive aussi à mes amis journalistes d'avoir la peau sensible. L'insistance de la Tribune de la presse, à Québec, pour obtenir des excuses "publiques" de la ministre Michelle Courchesne qui a enguirlandé une journaliste il y a plusieurs semaines, m'agace tout autant que l'attitude manifestée dans le dossier précédent.Je ne sais pas ce que la ministre a dit à la journaliste qui pourrait constituer une "tentative d'intimidation" telle qu'on ne pourrait la tolérer " dans une société démocratique qui croit en la liberté de la presse". Cela doit être bien grave! Ce n'est pas la première fois,dans ce grand collège où se côtoient ministres,députés et journalistes, qu'un reporter se fait enguirlander par un ministre, ni la dernière. Pour une fois qu'un ministre n'a pas eu la langue de bois. Mais la vilaine, qui a poussé l'outrecuidance jusqu'à se montrer "condescendante envers l'ensemble des journalistes", avait oublié que ces derniers manifestent le plus souvent un bel esprit de corps.

Pour conclure,un mot positif envers les journalistes en répondant à la question d'un internaute.Le journaliste est-il,comme on l'entend souvent, soumis aux diktats de l'entreprise de presse qui l'emploie? Ce serait faire injure aux journalistes de les imaginer aux ordres. En revanche, il est certain que plus leur statut est précaire,comme je l'ai écrit dans un texte précédent, plus il est possible de les mettre à sa main.D'où l'importance,dans les grands médias, des règles de conduite professionnelle, dont les conventions collectives négociées au fil des ans par les syndicats garantissent le respect.Il ne faut pas non plus être naifs.Une entreprise de presse ne confierait pas la direction de sa salle de rédaction ou de sa page éditoriale à quelqu'un qui ne partagerait pas au moins certaines idées avec les propriétaires.Et cela ne devrait étonner personne. Tout est affaire d'équilibre. La vigilance du public est aussi d'une certaine manière garante de l'indépendance des journaliste dans les sociétés démocratiques.Les directions de médias savent bien qu'elles ne peuvent chercher à contrôler le travail d'information des journalistes sans provoquer une tempête qui ne pourrait que leur être préjudiciable.

Je vous invite enfin à lire le texte que la journaliste Sophie Cousineau a laissé vendredi sur son blogue de Cyberpresse. Elle conclut en posant la question suivante: Sur quels supports et avec quels moyens les journalistes travailleront-ils demain? Cela rejoint le thème du documentaire que Jacques Godbout et moi préparons et auquel ce blogue est aussi en principe consacré.J'y reviens bientôt.

mardi 28 octobre 2008

Les principes du journalisme dans un monde incertain

Quelques principes essentiels, au premier chef la vérification des informations et l'indépendance,fondent le journalisme et le soi-disant quatrième pouvoir.Le respect de ces règles est indissociable de la crédibilité et de la confiance qui assurent le maintien d'une entreprise de presse.C'est parce que ces principes ont été trop souvent bafoués aux Etats-Unis ces dernières années que le public américain a perdu confiance en ses médias.C'est là une des causes évidentes de leur déclin.

Comment s'assurer de la permanence de ces principes dans un univers de communication devenu flou et incertain.Flou à cause de la frontière souvent imprécise entre le journalisme et la communication institutionnelle.Incertain parce que la poussée des nouveaux médias y compris la montée des canaux spécialisés de télévision),la fragmentation des auditoires et de la publicité, malmènent les médias traditionnels.Un scénario plausible permet d'envisager pour bientôt un monde de médias à deux vitesses.Les uns gratuits,la majorité,au contenu bref,factuel et répétitif,les autres,peu nombreux, payants, offrant un contenu plus approfondi, mais voyant malgré tout leurs ressources diminuer à cause de la multiplication des premiers et de la fragmentation des revenus.

Le scénario du pire pourrait s'imaginer ainsi.Dans un cas,un univers de jeunes journalistes,au statut précaire,pratiquant un journalisme sédentaire et ressassant sans cesse les mêmes dépêches d'agences. Nous n'en sommes d'ailleurs pas si loin. Sans l'agence Presse canadienne,le menu des quotidiens gratuits et de la majorité des sites Internet serait,n'est-ce pas, plutôt mince.D'un autre côté, quelques médias payants, un monde de journalistes vieillissants,mieux traités, sans doute restés fidèles aux préceptes du journalisme,mais inquiets de leur avenir devenu incertain.

Un article mis en ligne la semaine dernière sur le site Bakchich.info (et qu'un jeune journaliste m'a signalé) dresse un portrait plutôt pénible du journalisme web et des nouveaux "ouvriers spécialisés "de la presse,et montre, qu'en France tout au moins,le scénario du pire devient pour partie réalité.Les journalistes web, jeunes,"scotchés à leurs sièges", réécrivent,titrent,cherchent l'illustration, hiérarchisent."Ici on ne cherche pas l'info",on "bâtonne de la dépêche".Des chercheurs français,cités par Bakchich, font le constat suivant au sujet de ce travail de "retraitement industrialisé" de l'information:"Ceci pose question quant à la marge de manoeuvre des créateurs qui, sans être annihilée,pourrait voir se réduire les possibilités d'innovation et donc de diversité de contenus."

Cela nous ramène aux grands principes qui fondent le journalisme. Comment parler d'indépendance quand le journaliste,au statut plutôt précaire,devient corvéable à merci? Le journaliste, en principe au service de la collectivité -sa "première loyauté,dit-on,reste dans les faits à l'emploi d'une entreprise de presse donnée.Le défi est de convaincre l'entreprise que son avenir repose sur la crédibilité et la confiance,qui ne peuvent être séparées du respect des principes de base du journalisme.L'entreprise de presse doit aussi s'assurer que le public puisse constater que ces principes sont observés et que le journaliste travaille effectivement pour la collectivité. La transparence dans la collecte et le traitement de l'information s'ajoute ainsi à la liste des principes qui fondent le journalisme.

jeudi 23 octobre 2008

L'indépendance du journaliste

Si vous ne l'avez pas fait,je vous invite à lire l'intéressant commentaire que le journaliste Pascal Lapointe nous a laissé le 20 octobre. Le quatrième pouvoir s'est dilué- il est tout autour de nous, écrit-il,tout comme s'est érodée la définition traditionnelle du journaliste. Il pose une question qui n'est pas nouvelle, celle de la frontière entre le journalisme et la communication institutionnelle, et à laquelle la réponse n'est pas aussi simple que nous journalistes voulons souvent le penser.

Je n'ai pas de mal à croire que lorsqu'il était rédacteur ou "journaliste", au Fil des événements, l'hebdomadaire institutionnel de l'Université Laval, ses articles scientifiques pouvaient sans doute être plus fouillés que ceux des journalistes "officiels" du Soleil.Pascal Lapointe est un journaliste scientifique de grande qualité.Je veux bien croire aussi que certains "journalistes" scientifiques à l'emploi d'universités américaines questionnent davantage "leurs" scientifiques que le font les journalistes des médias classiques.

C'est aussi vrai que certains "communicateurs-journalistes" collectent et vérifient l'information, selon ma définition du journaliste. Mais il leur manque souvent un autre des traits essentiels qui définissent le journalisme. L'indépendance, à l'égard des sources et des autres pouvoirs, y compris à mon avis de leur propre entreprise de presse. Les journalistes doivent pouvoir exercer leur métier "selon leur conscience", comme l'expliquent les auteurs du livre The Elements of Journalism, Bill Kovach et Tom Rosenstiel. Je ne suis pas convaincu que de nombreux communicateurs institutionnels jouissent de la marge de manoeuvre espérée. Je ne suis pas certain par exemple que les communicateurs à l'emploi des universités québécoises, nonobstant la grande liberté qui doit distinguer ces lieux de haut savoir, pourraient aller bien loin dans la critique de leur propre institution.

Cela dit, il faut être vigilant sans être dogmatique. Nous étions peut-être un peu rigides dans les années 1970! La Fédération professionnelle des journalistes a manifesté une ouverture intéressante il y a quelques années en acceptant de reconnaître comme journalistes des employés d'institutions autres que les médias traditionnels pour autant que soit affirmée l'indépendance rédactionnelle de la publication à laquelle ils collaborent. La Terre de chez nous de l'Union des producteurs agricoles avait passé le test. Le Journal du Barreau avait échoué. Constatons que les élus sont encore peu nombreux. Et poursuivons la conversation.

jeudi 16 octobre 2008

Vérification et crédibilité

Un incident récent,dont la chaîne CNN a fait les frais,illustre bien la fragilité des structures d'encadrement du journalisme citoyen. L'affaire, dont les médias québécois n'ont à ma connaissance pas parlé,remonte au vendredi 3 octobre.Un "reporter-citoyen" annonce sur iReport.com de CNN,où chacun est invité à faire part des événements dont il est témoin et à transmettre photos et vidéos, que le chef de direction de Apple,Steve Jobs,a été hospîtalisé d'urgence,victime d'une crise cardiaque. La nouvelle est fausse mais plausible puisque la santé de M.Job fait depuis un moment l'objet de nombreuses spéculations.

Personne ne vérifie l'information.Le site-citoyen est "unedited" et "unfiltered".CNN y proclame,un brin racoleur:"You take control of the news." D'autres médias reprennent la "nouvelle" qui n'en est pas une.Le titre d'Apple baisse.Il se redressera dès que la fausse information sera démentie,mais le mal est fait.Qui a profité de cette fausse nouvelle? La règle qui mène trop de sites-citoyens, et selon laquelle le système s'auto-régule et les erreurs sont vite corrigées par la communauté,doit être revue.CNN a beau se défendre en disant qu'elle met les internautes en garde ("Take note:..the stories submitted by users are not edited,fact-checked or screened before the post."),cela ne suffit pas. Lessites qui diffusent des contenus relatant des faits (les opinions,c'est une autre histoire)et provenant de citoyens doivent s'assurer de leur véracité.Et s'assurer qu'ils ne sont pas l'objet de manipulation. Des mécanismes de vérification doivent être créés.Sinon c'est l'ensemble du journalisme citoyen qui perdra toute crédibilité.

Les médias traditionnels devraient se garder de donner des leçons à ce sujet.Leur système de vérification a aussi montré des failles criantes ces dernières années.Aux USA les médias les plus sérieux,comme le New York Times, n'ont pas échappé aux dérapages. C'est parce qu'ils ont transmis trop de déclarations "officielles" sans les vérifier (à partir des armes de destruction massive)que les médias ont perdu beaucoup de leur crédibilité.

Il ne suffit plus pour la presse de "rapporter fidèlement les propos des personnalités rencontrées".Ce vieux concept d'objectivité est dépassé.La vérification de la véracité des propos et des déclarations est aussi essentielle. Autrement,si la presse se limite à un rôle de perroquet,peut-on parler d'un quatrième pouvoir autonome et indépendant?

mardi 7 octobre 2008

Une comparaison intéressante

Un collègue,Francis Masse,qui a collaboré à la mise en place de ce blogue et qui m'est d'un précieux secours pour solutionner les pépins techniques (je ne suis pas doué) a préparé le texte qui suit. Il compare les craintes que l'ordinateur suscitait chez les graphistes il y a quelques années à celles de certains journalistes aujourd'hui.C'est un réflexion stimulante que je vous invite à commenter si le coeur vous en dit.
F.S.
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En lisant les interventions sur votre blog, M. Sauvaugeau, je me surprends à trouver d'étrange similitudes entre les préoccupations qu'on y expose, et celles qui animaient la profession de graphisme il y a 20 ans. Je suis un infographiste de la première heure. Aujourd'hui défroqué, mais avec la prétention d'avoir vécu ces changements en étant au premières loges, sinon carrément sur la scène.

Rappelons-nous que l'arrivée des logiciels puissants de dessin et de mise en page et de l'imprimante laser, ont carrément révolutionné en moins d'une dizaine d'années, les pratiques de l'industrie des arts graphiques. Les intellectuels pourraient y voir qu'une évolutions du procédé de production de biens matériels. Il en était pourtant tout autrement. Les conséquences allaient être sociales, intellectuelles, humaines.

Mon lien avec le journalisme? C'était l'époque où il fallait travailler pour un grand media, pour avoir droit de parole sur la place publique. Du jour au lendemain, tous pouvaient produire, pouvaient publier. Aujourd'hui tous peuvent écrire la nouvelle ou la chronique sur son blog. Tous peuvent devenir journaliste.

La typographie fut à mon sens, le secteur le plus métamorphosé par ces technologies. Et les typographes d'hier ont vécu des dilemmes et des déchirements étrangement semblables à ce que vivent les journalistes d'aujourd'hui. Au moins 3 éléments me sautent à l'esprit:

1- l'éclatement perçu de la confrérie.
L'appel au métier et à la noblesse et l'exclusivité de l'acte professionnel fut certainement la première réaction. « Ces gens bricolent avec ce qu'ils pensent être de la typographie, mais ce n'est pas leur métier et leurs outils sont peu performant ». "Ces « gentils » ne maitrisent pas le savoir-faire typographique multi-centenaire". Au lieu d'investir ces nouveaux lieux de production et de créativité, ces « experts » ont tenté de se drapper dans une étoffe noble et hautaine de la confrérie professionnelle. Lentement (si tant est que 10 ans puisse être lent dans une profession!) ils ont été mis à l'écart de l'industrie et paradoxalement, de la profession. Ils n'ont su exploiter les horizons nouveaux que le changements technologiques ouvraient à leur métier.

2- la baisse de la qualité dû au « travail d'amateurs »
C'était évidemment l'univers du pire avant de devenir l'univers du meillleur. Les «informaticiens » et autres pitonneux, prenaient contrôle du graphisme. On s'est mis soudainement à produire énormément plus de typographie, pour toutes sortes d'usages pour lesquels, dans le passé, on se contentait de la dactylo ou du manuscrit. Ceci dit, affirmer que la qualité de la production graphique à cette époque s'est dégradée, serait comme d'affirmer que la population québécoises maitrisait beaucoup mieux l'orthographe en 1900. Ceux qui s'avaient lire avait peut-être un français écrit plus rigoureux (ce qui reste à prouver) mais dans l'ensemble on n'a pas un meilleur orthographe quand on écrit pas. La qualité de l'information journalistique ne diminuera pas avec la facilité de publier nouvelles et opinon. Même si ce sont des «gentils» qui en produisent une partie.

Le paradoxe dans ce domaine, c'est que je suis profodémment convaincu que les nouveaux outils ont grandement contribué à la compétence des professionnels. Les jeunes en particulier. Pour apprendre le vocabulaire de la typographie à l'époque du plomb, il fallait des années de travail d'apprenti. Avec l'arrivée des logiciels de mise en page, nous avions accès aux un véritable système-expert, qui nous présentaient, condensé dans un écran cathodique, le savoir faire répertorié et expliqué comme jamais cela n'avait été possible auparavant. Aucun manuel de typographie ne saurait rivaliser avec Quark Express pour expliquer les différentes sortes d'habillage, l'aligmenent, d'espacement etc. Ce vocabulaire de la mise en page s'impose tout seul à celui qui travaille avec cet outil, alors qu'il ne sera que partiellement appris par les quelques uns qui oseront lire le manuel du maître typographe. Si vous n'êtes pas convaincu, allez relire les écrits des typographies suisse et français des années '70 et vous verrez combien les notions y sont rudimentaires, les démontrations simplistes à nos yeux d'infographistes d'aujourd'hui. Et en plus, Quark comporte en lui-même, l'exercice pratique et l'atelier d'expérimentation.

3- Tous seront immensément célèbres pendant 15 minutes... par un médias dont "les vieux" n'auront jamais connaissance!
Avec les nouvelles technologies des années 1988 et plus, on allait pouvoir produire notre livre, nous même. Ça y était: les typographes, graphistes, imprimeurs, allaient tous disparaître!. En fait ce fut vrai: le budget consacré à l'imprimerie commerciale n'a cessé de croître entre 1998 et 2005 (environ de 7% par année - désolé, je n'ai pas accès à ma source maintenant!), mais alors que le budget de communication tout médias confodu lui augmentait de 20%. C'est qu'on faisait d'autre chose que d'imprimer du papier pour communiquer. Les métiers ont suivi à l'avenant. Aujourd'hui, être graphiste, c'est publier pour le web. Une largeur de colonne de 50 picas, aujourd'hui, c'est un tableau html de 600 pixels. Avec tout les changements que cela sous-entends dans la forme, le contenu, le type de diffusion, la qualité de la pénétration des marchés cibles, et le rendu que cela devait nécessairement apporter. La vieille garde était tellement décontenancée, qu'elle ne s'est même pas rendu compte de ces changements. Le typographe de la vieille école n'allait jamais sur internet.

Penser que le travail des journaliste professionnels est menacé par les nouvelles technologies, c'est faire abstraction de l'évolution du marketing et de notre société des services depuis les années 1930. Sauf exception, ce n'est pas la production de bien qui garantit le succès (commercial?) d'une opération c'est l'ensemble du procédé de marketing qui le supporte. Il en ira de même dans les prochaines années, pour la production de nouvelles. Le succès d'un blog, tient plus dans la "publicité croisée", dans la capacité de l'auteur et de la machine-médias qui le supporte à inscrire ce blog dans les préoccupations sociales. Ainsi, le "consultez notre site web" qu'on entends dans les médias électronique (oups! disons radio et télévision!), sont des ingrédients importants du succès d'un blog. Avoir doit de cité ne sera plus l'unique privilège des journalistes professionnels. Cependant, avoir la crédibilité suffisante pour mériter d'être lu, d'avoir une influence sociale, d'avoir accès aux sources de la nouvelle pour en devenir le diffuseur, ne sera pas accessible à d'autres. La rigueur, la constance, le travail, la qualité, demeureront des ingrédients principaux qui continueront de donner du sens au mot «professionnel» dans «journalisme professionnel».

À mon sens, les nouvelles technologie on propulsé vers le haut les métiers de graphistes, typographes, metteurs en pages et même d'illustrateurs. Ce n'est vrai que pour ceux qui ont embarqué avec enthousiasme dans ce train qui n'attendait pas la réflexion murie avant d'amorcer son voyage. Ceux qui sont resté sur le quai n'ont pas vu ces changements. Normal: ils s'étaient sortis du métier.

vendredi 3 octobre 2008

Le quatrième pouvoir... et les autres

Qu'est-ce que le quatrième pouvoir? Je devais revenir à la question. Je m'exécute.

L'expression aurait été utilisée pour la première fois pour désigner la presse par l'écrivain et homme politique britannique Edmund Burke, à la fin du dix-huitième siècle. Il aurait pointé du doigt vers la tribune réservée aux journalistes au Parlement en s'écriant: "You're the Fourth Estate. "

Dans le monde francophone, l'idée évoque plutôt la division des pouvoirs développée par Montesquieu dans son ouvrage L'Esprit des lois publié quelques décennies plus tôt. La séparation et l'équilibre des trois pouvoirs, le législatif, l'exécutif et le judiciaire sont essentiels à la vie démocratique.

Montesquieu n'a pas parlé de la presse, mais dans nos démocraties libérales, nous postulons que la nécessité de son indépendance est aussi importante que celle des tribunaux par exemple. C'est dans ce contexte de "checks and balances" que la presse a évolué et est devenue le chien de garde de la démocratie.

La notion de quatrième pouvoir est aujourd'hui un peu floue. Le "Fourth Estate" de Burke faisait partie du pouvoir au sens large, du système. Des journalistes se considèrent maintenant plutôt comme un contre-pouvoir. Avec la montée en puissance de l'audio-visuel, de la télévision en particulier, certains ont parlé d'un cinquième pouvoir. La CBC présente depuis des années son magazine de journalisme d'enquête The Fifth Estate. Au Québec, des relationnistes ont aussi dit, il y a une vingtaine d'années, que le quatrième pouvoir n'était pas celui des journalistes mais celui de l'information et que ce territoire leur appartenait tout autant qu'aux journalistes. Pour d'autres enfin, l'internet devient aujourd'hui le cinquième pouvoir? À moins que ce ne soit le sixième!

D'où la question: où est passé le quatrième pouvoir, celui des journalistes.

mardi 30 septembre 2008

Aimez-vous les nouvelles étrangères?

Pour ceux et celles qui s'intéressent aux nouvelles du monde, Internet est une véritable bénédiction. D'un clic on accède à une multitude de sources et à l'information diversifiée qu'offrent les grands médias de partout qui accordent une place prépondérante aux affaires internationales. Mais cette concurrence nouvelle complique la vie des petits médias nationaux et les oblige à revoir leur façon de faire.

Quelques grands médias britanniques ont trouvé aux Etat-Unis un terreau fertile. La BBC (www.bbc.co.uk) bien entendu, mais aussi quelques-uns des principaux quotidiens, les "quality papers". Un rapport du comité des communications de la Chambre des Lords publié en juin dernier nous apprend qu'un tiers seulement des lecteurs en ligne du Times de Londres (www.thetimes.co. uk) sont domiciliés au Royaume-Uni. Plus de 3 millions d'Américains (visiteurs uniques)fréquentent chaque mois le site du Times et l'on prévoit qu'ils seront cinq millions dans 5 ans. Le lectorat en ligne du Guardian (www.guardian.co. uk) aux USA est maintenant beaucoup plus important que celui du LA Times, l'un des grands journaux américains.

Aux Etats-Unis, les médias locaux ont baissé les bras et laissent aux grands médias nationaux comme le New York Times le soin d'informer ceux qui s'intéressent aux affaires du monde. Le contenu des médias locaux devient de plus en plus local, "hyperlocal".

Il serait intéressant de mieux connaître la place qu'occupent, dans la consommation des québécois branchés sur le monde, les médias français (www.LeMonde.fr, www.LeFigaro.fr, www.France24.fr, etc. ), dont les sites sont riches en informations étrangères, mais aussi certains sites de langue anglaise, américains ou britanniques. Je suis étonné du nombre de jeunes gens que j'ai rencontrés ces derniers mois et qui me disent fréquenter régulièrement la BBC sur Internet. Comscore, à l'aide!

Devant cette offre pléthorique, comment Le Devoir ou Le Soleil peuvent-ils espérer retenir le lecteur intéressé avec quelques dépêches d'agences, bien faites mais impersonnelles. La Presse fait depuis quelques années des efforts louables en envoyant ses journalistes à l'étranger. Mais cela coûte cher. Le défi des médias et des journalistes d'ici est de faire voir que les affaires du monde sont aussi les nôtres et que ce qui semble de prime abord bien étranger est souvent plus "local" qu'on l'avait imaginé. S'enfermer dans la nouvelle étroitement locale, comme le font de nombreux médias américains, constitue la pire des politiques à courte vue.

jeudi 25 septembre 2008

Qu'est-ce qu'un journaliste (suite)

Les commentaires reçus sont très intéressants.
L'une, Johanne, pose une question: "Qu'est-ce qui caractérise le journaliste professionnel?" L'autre, Françoise, répond longuement et fort bien. Merci.

Je voudrais revenir au commentaire de Maxime, étudiant en communication publique. En expliquant le contexte. Dans le cadre du tournage de notre documentaire, nous avons rencontré cette semaine un groupe d'étudiants en communication de l'Université Laval. Dans ma brève présentation des changements que vit le monde du journalisme, j'ai insisté sur certains traits qui caractérisent le rapport qu'entretiennent les jeunes adultes avec les médias:le souci d'interactivité, la nécessaire mobilité du support, l'attrait pour les médias gratuits, une certaine lassitude vis-à-vis de la façon traditionnelle de présenter les nouvelles tout comme de l'avalanche d'informations qu'ils subissent. Le texte de Maxime doit être lu dans ce contexte. Quand il écrit par exemple: "Les dites nouvelles ont plus ou moins d'impact dans ma vie directe ou dans celle de mon entourage. "C'est peut-être cela que décrit Marc-Olivier en parlant du "besoin des citoyens pour un autre type de récit, une autre manière de raconter les événements. "Un exemple parmi d'autres de journalistes sachant dire les choses autrement: Michèle Ouimet de La Presse. Je suggère aussi la lecture des textes remarquables d'Anne Nivat, dont le livre Chienne de guerre (Fayard, 2000), où elle raconte ses séjours en Tchétchénie.

Je reviens à la question: "Qu'est ce qu'un journaliste?" J'aime bien l'expression "un allumeur de réverbères". Mon ami Louis Martin, l'un des journalistes importants du dernier demi-siècle avait aussi sa définition: "C'est le standardiste qui branche les fils sur les circuits porteurs. "Celui qui fait le tri dans le flot d'informations et met en perspective "l'immense cafouillis" quotidien. Une tâche parfois humble mais essentielle. Je reviendrai une prochaine fois sur l'idée de quatrième pouvoir.

lundi 22 septembre 2008

L'activité journalistique

J'ajoute mon premier grain de sel à la conversation (encore restreinte). Selon l'article de la Columbia Journalism Review dont la lecture a été proposée par Philippe Marcoux,la vraie question ne serait pas "Qu'est-ce qu'un journaliste?" mais plutôt "Qu'est-ce que le journalisme?". Bruno Boutot définit ainsi l'activité journalistique: "Recueillir des informations auprès de sources et les présenter à un public." Je crois en effet que c'est cela la spécificité du journalisme: la collecte des faits et leur vérification. Le journaliste peut bien aussi commenter l'actualité, mais ce n'est pas ce qui caractérise son travail. Le journaliste, c'est le témoin. Le témoin "professionnel."

Il faut, je pense, distinguer l'activité journalistique de la liberté d'expression et d'opinion qui appartient à tous. Chaque citoyen peut s'exprimer par blogue ou autrement et contribuer par ses commentaires et opinions, en certains cas de façon notable, à la circulation de l'information et des idées. Mais ce n'est qu'exceptionnellement qu'il exercera le rôle de témoin que remplit le journaliste. En disant cela, je ne dénigre pas les journalistes-citoyens et je ne partage pas l'attitude hautaine et suffisante de certains journalistes traditionnels à leur endroit.Le
citoyen peut aussi être à l'occasion ce témoin mais ce ne sera pas de façon régulière ou continue. Ce n'est pas son métier.
F.S.

jeudi 18 septembre 2008

QU'EST-CE QU'UN JOURNALISTE?

"Jadis, dit-on, le journalisme, c'était un cours magistral. Un monologue. Internet en a fait un séminaire, une conversation. "La formule, bien tournée, illustre deux conceptions du journalisme. Dans l'une, élitiste, convenons-un, le journaliste, celui qui sait, sélectionne chaque jour les faits et les événements que le public doit selon lui connaître. Dans l'autre, tributaire de l'évolution de l'internet et de l'interactivité, le journaliste perd son magister et doit dialoguer avec un public dont les médias sollicitent sans cesse les avis et opinions, d'un intérêt pour le moins variable.

Bien plus, les citoyens, les jeunes en particulier, sont de plus en plus nombreux à proposer et échanger sur Internet leur propre contenu d'information ou celui qu'ils ont bricolé à partir de produits existants. Ce journalisme-citoyen annonce, selon ses promoteurs, un monde où une armée d'internautes, An Army of Davids, selon le titre d'un livre publié aux USA, contribueront à la chute des Goliaths, les "gros" gouvernements et les grandes entreprises, et de leur porte-voix dans les grands médias. D'autres au contraire se désolent du poids croissant de cette "démocratie de l'information" et regrettent le temps où le journaliste servait encore de référence. "En vérité, écrit le journaliste et professeur français Jacques Julliard, le crétinisme démocratique n'a pas de limite."

En 1978, Jacques Godbout et moi avons décrit dans un documentaire intitulé Derrière l'image le passage du journalisme de l'écrit à l'audiovisuel, le passage du magister et de l'autorité morale du journal au téléjournal. Trente ans plus tard alors que tant la presse écrite que les informations télévisées subissent l'assaut de l'internet, nous amorçons le tournage d'un autre documentaire consacré à la trans-formation du journalisme. Où est passé le 4ième pouvoir? Qu'est-ce qui se cache Derrière la toile?

Ce site est à l'enseigne de l'interactivité omniprésente. Je vous propose, au delà des questions, importantes mais largement discutées, de réorganisation des rédactions et de financement des médias, un dialogue sur l'avenir même du journalisme et des journalistes? Qu'est-ce qu'un journaliste quand chacun, ou presque, croit pouvoir faire son propre journalisme?


Vos réflexions alimenteront la nôtre.