mardi 7 octobre 2008

Une comparaison intéressante

Un collègue,Francis Masse,qui a collaboré à la mise en place de ce blogue et qui m'est d'un précieux secours pour solutionner les pépins techniques (je ne suis pas doué) a préparé le texte qui suit. Il compare les craintes que l'ordinateur suscitait chez les graphistes il y a quelques années à celles de certains journalistes aujourd'hui.C'est un réflexion stimulante que je vous invite à commenter si le coeur vous en dit.
F.S.
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En lisant les interventions sur votre blog, M. Sauvaugeau, je me surprends à trouver d'étrange similitudes entre les préoccupations qu'on y expose, et celles qui animaient la profession de graphisme il y a 20 ans. Je suis un infographiste de la première heure. Aujourd'hui défroqué, mais avec la prétention d'avoir vécu ces changements en étant au premières loges, sinon carrément sur la scène.

Rappelons-nous que l'arrivée des logiciels puissants de dessin et de mise en page et de l'imprimante laser, ont carrément révolutionné en moins d'une dizaine d'années, les pratiques de l'industrie des arts graphiques. Les intellectuels pourraient y voir qu'une évolutions du procédé de production de biens matériels. Il en était pourtant tout autrement. Les conséquences allaient être sociales, intellectuelles, humaines.

Mon lien avec le journalisme? C'était l'époque où il fallait travailler pour un grand media, pour avoir droit de parole sur la place publique. Du jour au lendemain, tous pouvaient produire, pouvaient publier. Aujourd'hui tous peuvent écrire la nouvelle ou la chronique sur son blog. Tous peuvent devenir journaliste.

La typographie fut à mon sens, le secteur le plus métamorphosé par ces technologies. Et les typographes d'hier ont vécu des dilemmes et des déchirements étrangement semblables à ce que vivent les journalistes d'aujourd'hui. Au moins 3 éléments me sautent à l'esprit:

1- l'éclatement perçu de la confrérie.
L'appel au métier et à la noblesse et l'exclusivité de l'acte professionnel fut certainement la première réaction. « Ces gens bricolent avec ce qu'ils pensent être de la typographie, mais ce n'est pas leur métier et leurs outils sont peu performant ». "Ces « gentils » ne maitrisent pas le savoir-faire typographique multi-centenaire". Au lieu d'investir ces nouveaux lieux de production et de créativité, ces « experts » ont tenté de se drapper dans une étoffe noble et hautaine de la confrérie professionnelle. Lentement (si tant est que 10 ans puisse être lent dans une profession!) ils ont été mis à l'écart de l'industrie et paradoxalement, de la profession. Ils n'ont su exploiter les horizons nouveaux que le changements technologiques ouvraient à leur métier.

2- la baisse de la qualité dû au « travail d'amateurs »
C'était évidemment l'univers du pire avant de devenir l'univers du meillleur. Les «informaticiens » et autres pitonneux, prenaient contrôle du graphisme. On s'est mis soudainement à produire énormément plus de typographie, pour toutes sortes d'usages pour lesquels, dans le passé, on se contentait de la dactylo ou du manuscrit. Ceci dit, affirmer que la qualité de la production graphique à cette époque s'est dégradée, serait comme d'affirmer que la population québécoises maitrisait beaucoup mieux l'orthographe en 1900. Ceux qui s'avaient lire avait peut-être un français écrit plus rigoureux (ce qui reste à prouver) mais dans l'ensemble on n'a pas un meilleur orthographe quand on écrit pas. La qualité de l'information journalistique ne diminuera pas avec la facilité de publier nouvelles et opinon. Même si ce sont des «gentils» qui en produisent une partie.

Le paradoxe dans ce domaine, c'est que je suis profodémment convaincu que les nouveaux outils ont grandement contribué à la compétence des professionnels. Les jeunes en particulier. Pour apprendre le vocabulaire de la typographie à l'époque du plomb, il fallait des années de travail d'apprenti. Avec l'arrivée des logiciels de mise en page, nous avions accès aux un véritable système-expert, qui nous présentaient, condensé dans un écran cathodique, le savoir faire répertorié et expliqué comme jamais cela n'avait été possible auparavant. Aucun manuel de typographie ne saurait rivaliser avec Quark Express pour expliquer les différentes sortes d'habillage, l'aligmenent, d'espacement etc. Ce vocabulaire de la mise en page s'impose tout seul à celui qui travaille avec cet outil, alors qu'il ne sera que partiellement appris par les quelques uns qui oseront lire le manuel du maître typographe. Si vous n'êtes pas convaincu, allez relire les écrits des typographies suisse et français des années '70 et vous verrez combien les notions y sont rudimentaires, les démontrations simplistes à nos yeux d'infographistes d'aujourd'hui. Et en plus, Quark comporte en lui-même, l'exercice pratique et l'atelier d'expérimentation.

3- Tous seront immensément célèbres pendant 15 minutes... par un médias dont "les vieux" n'auront jamais connaissance!
Avec les nouvelles technologies des années 1988 et plus, on allait pouvoir produire notre livre, nous même. Ça y était: les typographes, graphistes, imprimeurs, allaient tous disparaître!. En fait ce fut vrai: le budget consacré à l'imprimerie commerciale n'a cessé de croître entre 1998 et 2005 (environ de 7% par année - désolé, je n'ai pas accès à ma source maintenant!), mais alors que le budget de communication tout médias confodu lui augmentait de 20%. C'est qu'on faisait d'autre chose que d'imprimer du papier pour communiquer. Les métiers ont suivi à l'avenant. Aujourd'hui, être graphiste, c'est publier pour le web. Une largeur de colonne de 50 picas, aujourd'hui, c'est un tableau html de 600 pixels. Avec tout les changements que cela sous-entends dans la forme, le contenu, le type de diffusion, la qualité de la pénétration des marchés cibles, et le rendu que cela devait nécessairement apporter. La vieille garde était tellement décontenancée, qu'elle ne s'est même pas rendu compte de ces changements. Le typographe de la vieille école n'allait jamais sur internet.

Penser que le travail des journaliste professionnels est menacé par les nouvelles technologies, c'est faire abstraction de l'évolution du marketing et de notre société des services depuis les années 1930. Sauf exception, ce n'est pas la production de bien qui garantit le succès (commercial?) d'une opération c'est l'ensemble du procédé de marketing qui le supporte. Il en ira de même dans les prochaines années, pour la production de nouvelles. Le succès d'un blog, tient plus dans la "publicité croisée", dans la capacité de l'auteur et de la machine-médias qui le supporte à inscrire ce blog dans les préoccupations sociales. Ainsi, le "consultez notre site web" qu'on entends dans les médias électronique (oups! disons radio et télévision!), sont des ingrédients importants du succès d'un blog. Avoir doit de cité ne sera plus l'unique privilège des journalistes professionnels. Cependant, avoir la crédibilité suffisante pour mériter d'être lu, d'avoir une influence sociale, d'avoir accès aux sources de la nouvelle pour en devenir le diffuseur, ne sera pas accessible à d'autres. La rigueur, la constance, le travail, la qualité, demeureront des ingrédients principaux qui continueront de donner du sens au mot «professionnel» dans «journalisme professionnel».

À mon sens, les nouvelles technologie on propulsé vers le haut les métiers de graphistes, typographes, metteurs en pages et même d'illustrateurs. Ce n'est vrai que pour ceux qui ont embarqué avec enthousiasme dans ce train qui n'attendait pas la réflexion murie avant d'amorcer son voyage. Ceux qui sont resté sur le quai n'ont pas vu ces changements. Normal: ils s'étaient sortis du métier.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bon commentaire.
J'ai connu cette époque; dans mon métier (imprimeur) j'ai dû embaucher des demoiselles de vingt ans pour remplacer des typographes de 50 ans qui refusaient de se recycler...
Cependant, il y a beaucoup de m... encore aujourd'hui. Je vois souvent des textes où on a utilisé 14 polices de caractère différentes, où l'alignement est trop fantaisiste pour être beau, etc...
Pour le journaliste, je crois que notre époque permet des choses qu'il n'était même pas possible d'imaginer il y a trente ans. Je pense au correspondent qui transmet son texte en quelques secondes au lieu de quelques jours...
La photo numérique a révolutionné le travail des photographes, sur le plan technique; s'ils continuent à nous montrer les mêmes clichés, ce n'est pas la faute de la caméra !