jeudi 16 octobre 2008

Vérification et crédibilité

Un incident récent,dont la chaîne CNN a fait les frais,illustre bien la fragilité des structures d'encadrement du journalisme citoyen. L'affaire, dont les médias québécois n'ont à ma connaissance pas parlé,remonte au vendredi 3 octobre.Un "reporter-citoyen" annonce sur iReport.com de CNN,où chacun est invité à faire part des événements dont il est témoin et à transmettre photos et vidéos, que le chef de direction de Apple,Steve Jobs,a été hospîtalisé d'urgence,victime d'une crise cardiaque. La nouvelle est fausse mais plausible puisque la santé de M.Job fait depuis un moment l'objet de nombreuses spéculations.

Personne ne vérifie l'information.Le site-citoyen est "unedited" et "unfiltered".CNN y proclame,un brin racoleur:"You take control of the news." D'autres médias reprennent la "nouvelle" qui n'en est pas une.Le titre d'Apple baisse.Il se redressera dès que la fausse information sera démentie,mais le mal est fait.Qui a profité de cette fausse nouvelle? La règle qui mène trop de sites-citoyens, et selon laquelle le système s'auto-régule et les erreurs sont vite corrigées par la communauté,doit être revue.CNN a beau se défendre en disant qu'elle met les internautes en garde ("Take note:..the stories submitted by users are not edited,fact-checked or screened before the post."),cela ne suffit pas. Lessites qui diffusent des contenus relatant des faits (les opinions,c'est une autre histoire)et provenant de citoyens doivent s'assurer de leur véracité.Et s'assurer qu'ils ne sont pas l'objet de manipulation. Des mécanismes de vérification doivent être créés.Sinon c'est l'ensemble du journalisme citoyen qui perdra toute crédibilité.

Les médias traditionnels devraient se garder de donner des leçons à ce sujet.Leur système de vérification a aussi montré des failles criantes ces dernières années.Aux USA les médias les plus sérieux,comme le New York Times, n'ont pas échappé aux dérapages. C'est parce qu'ils ont transmis trop de déclarations "officielles" sans les vérifier (à partir des armes de destruction massive)que les médias ont perdu beaucoup de leur crédibilité.

Il ne suffit plus pour la presse de "rapporter fidèlement les propos des personnalités rencontrées".Ce vieux concept d'objectivité est dépassé.La vérification de la véracité des propos et des déclarations est aussi essentielle. Autrement,si la presse se limite à un rôle de perroquet,peut-on parler d'un quatrième pouvoir autonome et indépendant?

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour,

Je suis très surprise d'apprendre que l'information publiée sur CNN, même par des journalistes citoyens, n'est pas vérifiée.

J'ai travaillé pour un média dit citoyen (dont le contenu était produit par des citoyens qui ne sont pas des journalistes professionnels) et c'était une règle de base que de vérifier tout contenu proposé avant sa mise en ligne. En effet, un média n'a-t-il pas la responsabilité de tout ce qu'il publie? Si une histoire comme celle que vous donnez en exemple devait se retrouver devant les tribunaux, pour une raison ou pour une autre, CNN ne serait-il pas le grand responsable? D'ailleurs, à ma connaissance, tout ce qui se publie sur des sites comme Cyberpresse ou Radio-Canada, même les commentaires faits en réponse à des blogueurs, sont vérifiés avant leur publication...

Bref, je me demande si la pratique de CNN est réellement généralisée. Contrairement à ce que vous affirmez, je crois que la plupart des sites citoyens sont régulés par des règles d'éthique, des règles d'utilisation, en plus d'être "contrôlés" par une équipe éditoriale. C'est d'ailleurs ce qui fait leur richesse. Sans une régulation minimale, de tels sites deviendraient un genre de "free-for-all"...

Anonyme a dit…

D'après moi, toute nouvelle inédite, provenant d'une source non-oficielle, devrait être vérifiée et corroborrée deux fois plutôt qu'une.
La course au scoop a changé tout ça...
La moindre nouvelle «juteuse» sera aussitôt reprise par tous les medias, sans trop d'efforts de vérification.
Pas fort comme politique journalistique !

Anonyme a dit…

Bonjour M Sauvageau,

J'ai bien hâte moi aussi de voir ce film que vous préparez, et je goûte avec intérêt toutes ces réflexions des dernières semaines sur votre blogue.

Ce commentaire sera long, parce que je remonte en arrière, si vous me le permettez, jusqu'à votre définition du journalisme, parce que j'y lis un intéressant glissement par rapport à la pensée qui était celle des années 1970 lorsque vos collègues définissaient le journalisme. Vous écrivez:

Recueillir des informations auprès de sources et les présenter à un public." Je crois en effet que c'est cela la spécificité du journalisme: la collecte des faits et leur vérification. Le journaliste peut bien aussi commenter l'actualité, mais ce n'est pas ce qui caractérise son travail. Le journaliste, c'est le témoin. Le témoin "professionnel."

Or, ce ne sont pas uniquement les journalistes qui font ça. Dans mon domaine, la science, les communicateurs scientifiques au service de la NASA, au service d'un journal universitaire ou d'un magazine d'un centre de recherche, collectent des faits, les vérifient, se comportent (pas toujours, j'en conviens) comme des témoins...

Autrement dit, la frontière entre le journalisme et les relations publiques, dont nombreux sont ceux qui se plaignent qu'elle s'érode depuis 30 ans, continuerait de s'éroder... au point où les définitions du journalisme prendraient maintenant cette érosion pour acquise?

Je ne suis pas contre, au contraire, ça me rejoint. Je me souviens que lorsque j'étais au Fil des événements, au début des années 1990, j'insistais sur le fait que le travail que je faisais en était un d'apparence très journalistique, et que dans bien des cas, les articles du Fil allaient plus en profondeur et plus loin dans leurs questionnements que ceux du Soleil. Tout récemment, je lisais qu'aux USA, certains de ces rédacteurs de journaux d'université en sont arrivés au point où ils questionnent "leurs" scientifiques de manière plus critique que les "vrais" journalistes. Intriguante évolution!

Et c'est une évolution dont on ne pourra pas faire autrement que de tenir compte en réfléchissant à l'avenir du journalisme sur Internet. Pourquoi cela? Rappelons-nous que, aussi talenteux que puissent être certains blogueurs, ils seront soumis aux mêmes difficultés que ceux qu'on appelait les cyber-journalistes dans les années 1990: le manque de temps et d'argent. En effet, un amateur sans revenus a beaucoup de mal à concurrencer des journalistes professionnels qui bénéficient de l'appui financier et institutionnel d'un grand média.

Or, si, en plus de ces journalistes professionnels, on ajoute -suivant votre définition du journalisme- une foule de "communicateurs" (faute d'un meilleur terme) qui sont eux aussi soutenus financièrement par de grosses institutions, les amateurs se retrouvent encore plus noyés dans l'océan d'information.

Cela nous amène directement à cette question que vous posez plus loin:

D'où la question: où est passé le quatrième pouvoir, celui des journalistes.


Eh bien à mon avis, il est toujours là, tout autour de nous, sauf qu'il s'est dilué... tout comme la notion de journaliste!

En étant pessimiste, on pourrait dire que le 4e pouvoir s'est dilué lui aussi du même coup... Mais c'est une autre question, qui nécessitera un autre billet! :-)

Anonyme a dit…

Internet et tout ce qui vient avec, blogue, forum et pseudo site d'intérêt sont devenu le pire ramassis de propagande mensongère...des feseux de conspiration mondiale, des théories aussi farfelue les une que les autres...

Je crois qu'internet a remplacer les religions, un beaume pour les faibles d'esprit qui ont absolument besoin de croire en des forces obscures, le bien et le mal!